Nous partageons une table dans un Starbucks. La rue commerçante est de l’autre côté de la vitre. Le bruit des coupelles et des chariots du lave-vaisselle est à trois mètres de nous. La limite est posée par une rangée de barres de bois verticales fixées à l’entrée de la petite pièce dans laquelle est située notre table. Elle est parfaitement ronde et préfabriquée avec les marques du temps. Nous avons six chaises mais nous sommes quatre et personne ne nous rejoindra à moins que l’un d’entre nous ne quitte la pièce.
Nous ne nous regardons pas. Vous voulez que je me décale ? Ça ira, merci. Nous sommes quatre corps, trois ordinateurs, quatre téléphones (branchés), une tablette (avec stylet), une calculatrice (scientifique), trois tasses blanches, un grand verre logotypé, une cigarette électronique, une chemise à élastiques, une trousse et un carnet grenat.
À la première chaise, un polo, une montre et une étiquette posée par l’informaticien de l’entreprise sur le capot de l’ordinateur. Il touche le pad, tape quelques lettres, il règle son tableur. À la deuxième chaise, des lunettes et un pull vert avec une inscription, Montana. Il calcule, vérifie, re-calcule.
À la troisième chaise, ses écouteurs, son pantalon rouge, son écharpe rayée, qu’elle enroule à l’instant pour être comme à la maison. Elle consulte son téléphone puis son carnet dans lequel elle a dessiné un grand agenda. Elle va rayer quelque chose. Elle raye et elle reporte sur l’ordinateur.
À la quatrième chaise l’écriveur le regard porté sur la première chaise désormais occupée par une sacoche que l’on remplit d’un ordinateur, d’un chargeur enroulé sur lui-même puis d’un autre chargeur encore enroulé sur lui-même. La sacoche zippée, épaule droite, il quitte la pièce une tasse à la main. Il manque quelqu’un.