Le corps universitaire

 

Puisqu’on est d’abord un corps, il faut le dĂ©placer jusqu’au lieu de travail. C’est un morceau d’universitĂ© qu’il faut atteindre. Le corps parfois est assis dans le tram et il lit sur son tĂ©lĂ©phone, il regarde les autres dans le tĂ©lĂ©phone, dans un livre, dans les yeux. Il regarde leurs pieds et leurs vĂȘtements, il joue avec un enfant, se serre pour faire de la place dans les pĂ©riphĂ©ries. Le corps parfois pĂ©dale. Il peine, Ă©vite les voitures, peste, choisit ses trottoirs et s’arrĂȘte aux feux rouges. Il faut ensuite mettre le corps au travail.

D’abord mettre du cafĂ© dedans puis rester trois heures trente assis devant un ordinateur. DĂ©placer le corps vers le micro-ondes, l’asseoir Ă  une nouvelle table, dĂ©placer le corps vers le lavabo pour nettoyer son assiette et le ramener au bureau initial. Le corps s’assoit pendant cinq ou six nouvelles heures. Il est assis le corps mais il fait des choses intĂ©ressantes. Il dit le cours avec des diapositives et des questions. Les autres sont assis et parfois ils bougent pour former un groupe et une personne est chargĂ©e d’écrire. Le corps est debout parfois pour circuler entre les Ăźlots. Ensuite, il Ă©crit, rĂ©pond, il rĂ©pond Ă  la rĂ©ponse qu’il transfĂšre en attendant le retour. Il organise, amitiĂ©s, son dĂ©partement, l’universitĂ©, la promotion de premiĂšre annĂ©e, l’univers, bien Ă  vous, et Parcoursup et la LV2, la connaissance, le service public, la formation et l’éducation, le bien commun/le progrĂšs/l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. Pourtant il y a eu des dĂ©missions et une assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale et tout le monde a hochĂ© de la tĂȘte. Il y a eu la direction, la prĂ©sidence, la vice-prĂ©sidence. Quelqu’un a pleurĂ©. Il y en a eu plein d’autres des AG, une plus grande et puis ça a fondu et puis on a accueilli un administrateur provisoire. Un collĂšgue a dĂ©cidĂ© d’y aller, il a dit qu’il fallait reprendre les choses en main, alors le corps a repris le travail. Lorsque le corps revient d’une pause, s’asseoir est fatigant. Il va falloir tenir le corps droit pour ne plus bouger que les doigts. Comme le corps ne sait pas taper Ă  deux mains, seuls les deux index et les deux majeurs bougeront. Parfois l’annulaire droit, pour aller chercher la touche « m », parfois le pouce droit pour taper la barre espace. Il faut tout immobiliser pour que ne bougent que ces quelques doigts car son travail passe par ce trou de souris-lĂ . Parfois, il faudra bouger le corps et l’asseoir Ă  d’autres endroits, sur le campus, ailleurs. Il faudra dire des choses critiques sans bouger et passer les connaissances en appuyant sur la flĂšche droite puis sur la flĂšche gauche parce qu’il y avait une remarque et c’est plus un retour qu’autre chose. Il faut tant d’énergie pour tenir son travail sur les pulpes. Il y a tant Ă  faire et si peu d’espace pour se dĂ©ployer, la taille d’un clavier.

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